Découvert à l'âge de dix-huit ans, Farley Granger est recommandé au producteur Samuel Goldwyn pour jouer dans le film de Lewis Milestone, L'Etoile du Nord, en 1943. Cette apparition lui permet de briguer un rôle plus important dans Les Prisonniers de Satan, du même réalisateur. A son retour de la marine, alors qu'il tape en vain à la porte des studios, Nicholas Ray lui fait passer un casting pour Les Amants de la nuit. Avant même que le film ne soit montré, Granger est déjà sur le plateau de La Corde pour Alfred Hitchcock, aux côtés de James Stewart et John Dall.
Avec son beau visage, sa voix fluette et son allure précieuse, Farley Granger a su incarner aussi bien le gentil garçon malchanceux aux mauvaises fréquentations que le jeune homme influent, qui attire à lui toutes les attentions, et finit par révéler sa fragilité. Comme ses personnages, Granger se débat dans un système - hollywoodien - qui le dépasse. A la MGM, Samuel Goldwyn lui fait signer un contrat de cinq ans, années durant lesquelles le producteur n'aura de cesse de transformer Granger en star, avec entre autres Roseanna McCoy ou La Rue de la mort. Our Very Own et La Marche à l'enfer devaient faire de Granger et Joan Evans le couple star des années cinquante, mais le public n'est pas au rendez-vous. Refusant d'être une nouvelle fois prêté à un studio concurrent pour un mauvais projet, l'acteur est suspendu par Goldwyn. Et en profite pour retrouver Hitchcock.
Le cinéaste lui offre l'un des rôles les plus marquants de sa carrière, celui du tennisman Guy Haines dans L'Inconnu du Nord-Express. Le film est bien reçu mais cela n'empêchera pas Hitchcock, plus tard, d'affirmer qu'avec un meilleur acteur le métrage aurait été plus crédible. Granger continue son bonhomme de chemin à la MGM avec La Sarabande des pantins puis Hans Christian Andersen et la Danseuse. Après un rôle dans le segment réalisé par Vincente Minnelli pour Histoire de trois amours, Goldwyn le laisse partir en Europe pour incarner le Lieutenant Franz Mahler dans Senso de Luchino Visconti, pour ce qui est considéré comme sa meilleure interprétation.
Installé en Europe, Granger rachète son contrat à Samuel Goldwyn. Il revient brièvement à Hollywood pour tourner Le Roi du racket et La Fille sur la balançoire, ses deux derniers films de cinéma avant une parenthèse d'une quinzaine d'années, le comédien préférant se consacrer au théâtre et à la télévision. Après un come back en 1970 pour On l'appelle Trinita, il enchaîne les productions italiennes confidentielles aux génériques desquelles il est parfois difficile à identifier, et quelques téléfilms, en sus de son activité sur les planches. Choisissant de limiter ses apparitions publiques et artistiques, Granger n'a de cesse de réaffirmer sa devise : "Faire des mauvais films juste pour dire qu'on travaille, si on n'y est pas obligé, je n'y crois pas vraiment".
Eric Nuevo
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