Né le 20 novembre 1907 à Niort, d'un père libraire, Henri-Georges Clouzot est très vite initié à la culture littéraire, théâtrale et musicale. Après avoir entammé des études de droit et de sciences politiques, il se tourne vers le journalisme. Devenu rédacteur à la revue Paris-Midi dans les années 30, il fréquente peu à peu le milieu cinématographique et commence par des petits travaux d'adaptation. Oscillant entre le cinéma (il assure quelques postes d'assistant réalisateur) et le théâtre (il écrit quelques pièces, mais ne réussit que rarement à les monter), sa carrière au cinéma s'affirme dès lors qu'il s'implique dans l'écriture de scénarios, parmi lesquels celui du film de Georges Lacombe, Le Dernier des six (1941), et celui de Les Inconnus dans la maison (1941) d'Henri Decoin.
Il signe peu après son premier long métrage en tant que réalisateur, L'Assassin habite au 21 (1942), une enquête policière mettant en scène le couple Pierre Fresnay et Suzy Delair. Avec son deuxième film, Le Corbeau (1943), qu'il réalise en pleine Occupation, Clouzot crée une violente polémique : l'intrigue, relatant une enquête sur les menaces épistolaires d'un mystérieux "Corbeau", dénonce en filigrane la société française souffrant alors de la délation. Produit par la société Continental-Films, créée par Joseph Goebbels, le film est diffusé à l'étranger mais demeure très controversé. Cela concourt à la célébrité du cinéaste, mais lui vaut à la Libération une suspension professionnelle jusqu'en 1947, date à laquelle il réalise Quai des orfèvres, avec Louis Jouvet. Réaliste et noir, ce film confirme les tendances du cinéaste à explorer les profondeurs obscures de l'âme humaine. Il lui rapporte le prix de la mise en scène au Festival de Venise. C'est aussi à cette époque que le perfectionnisme de Clouzot lui fait acquérir une réputation de cinéaste tyrannique, notamment envers ses acteurs.
En 1949, le cinéaste s'essaye à la comédie avec Miquette et sa mere, puis réalise en 1952 l'un de ses plus grands succès, Le Salaire de la peur, lequel remporte le Grand Prix au Festival de Cannes (la Palme d'Or n'existait pas encore à l'époque). C'est en 1955 que son célèbre film Les Diaboliques sort sur les écrans. Il y met en scène l'acteur Paul Meurisse, victime d'un meurtre commis par la mystérieuse complicité entre sa femme et sa maîtresse, respectivement incarnées par Vera Clouzot - la propre femme du cinéaste - et Simone Signoret. Le film fera l'objet d'un remake américain, Diabolique, réalisé en 1996 par Jeremiah Chechik, et réunissant à l'affiche Sharon Stone et Isabelle Adjani. En 1956, Clouzot s'intéresse aux méthodes de l'une des figures les plus marquantes de la peinture du 20e siècle, Pablo Picasso, et réalise le film documentaire Le mystère Picasso.
Peu avant la mort de sa femme Vera Clouzot, survenue en décembre 1960, le cinéaste met en scène Brigitte Bardot dans le film de procès La Vérité, par lequel il confirme la noirceur de son cinéma. A la même époque, les artistes de la Nouvelle Vague prennent pour cible le classicisme des films dits de "qualité française", dont fait partie Clouzot. Face à l'émergence de nouveaux réalisateurs comme Jean-Luc Godard ou François Truffaut, ses films et son image apparaissent comme dépassés, démodés. Pourtant, La Prisonnière, qu'il réalise en 1968 et dans lequel Laurent Terzieff se voit attribuer l'un de ses plus beaux rôles au cinéma, témoigne d'une dimension quasi-avant-gardiste, de par l'audace de son sujet à une époque charnière : l'image photographique et son possible pouvoir d'emprise sur les fantasmes et les pulsions sexuelles. Henri-Georges Clouzot meurt le 12 janvier 1977, laissant derrière lui l'une des oeuvres les plus importantes du cinéma français d'après-guerre.
En 1994, Claude Chabrol a réalisé L'Enfer à partir d'un scénario original de Clouzot. Ce dernier, trente ans auparavant, n'avait pas réussi à achever le tournage de son chaotique projet, dans lequel étaient impliqués les comédiens Romy Schneider et Serge Reggiani. Lors du Festival de Cannes 2009, Serge Bromberg et Ruxandra Medrea ont présenté L'Enfer d'Henri-Georges Clouzot. Ce film tente à la fois de relater en détail les péripéties de ce tournage maudit, et de faire revivre des images qui jusqu'à maintenant demeuraient perdues.
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