Fils de pharmacien, Jacques Rivette se passionne très tôt pour le cinéma. Marqué par la vision de Mon homme Godfrey et la lecture du journal de tournage de La Belle et la bête, il anime à Rouen un ciné-club et réalise un premier court métrage, Aux quatre coins, en 1949. Cette année-là, il part à Paris et s'inscrit à la Sorbonne, qu'il fréquente moins assidûment que le ciné-club du Quartier latin. C'est d'ailleurs dans cette salle qu'il rencontre Eric Rohmer, avec qui il fonde La Gazette du cinéma en 1950. Tous deux rejoignent bientôt les Cahiers du Cinéma, où ils retrouvent d'autres critiques nommés Truffaut ou Godard. Décrit par Jean Douchet (dans le livre de Toubiana et de Baecque consacré à la revue) comme "L'âme secrète du groupe, le penseur occulte, un peu censeur", Rivette sera rédacteur en chef des Cahiers de 1963 à 1965.
Stagiaire sur French cancan de Renoir (un de ses maîtres, auquel il consacrera un documentaire) et Ali Baba et les 40 voleurs, Rivette signe dès 1956 un court métrage en 35 mm, Le Coup du berger, tourné dans l'appartement de Chabrol, et qui, pour beaucoup, marque les vrais débuts de la Nouvelle Vague. Deux ans plus tard, il se lance dans son premier long (sorti en 1962), Paris nous appartient. Y apparaissent déjà ses obsessions : le complot, le théâtre et la déambulation dans les rues de la capitale. En 1966, son deuxième film, une adaptation de La Religieuse avec Anna Karina, est provisoirement censuré, décision qui déclenche un vaste mouvement de soutien, annonciateur de Mai 68.
Inspiré par les pièces d'avant-garde de Marc'O et par le cinéma-vérité de Jean Rouch, Rivette réalise en 1969 L'Amour fou, l'histoire du couple en crise que forment un metteur en scène de théâtre (Kalfon) et sa comédienne (la rêveuse Bulle Ogier, actrice-fétiche du cinéaste). L'art dramatique sera au coeur de plusieurs de ses oeuvres ludiques et énigmatiques, de L'Amour par terre à Va savoir (joli succès en 2001) en passant par La Bande des quatre. Connu pour sa méthode de travail originale (donner les dialogues aux acteurs au dernier moment, tenir compte des aléas du tournage) et la durée de ses films (jusqu'aux 12h40 de Out 1), il se plaît à brouiller les frontières entre réalité et fantasmagorie, comme en témoigne l'enchanteur Céline et Julie vont en bateau en 1974.
Auteur de films en forme de jeu de l'oie (Le Pont du Nord) qui déroutent le grand public, Rivette obtient en 1991 les faveurs de la critique, des spectateurs et du jury cannois (qui lui remet un Grand Prix) grâce à La Belle Noiseuse, oeuvre intense sur les affres de la création avec Emmanuelle Béart. Le Rouennais peut alors s'atteler à une ambitieuse évocation de la vie de Jeanne d'Arc avec Sandrine Bonnaire. Fidèle à ses actrices (à celles déjà citées, ajoutons Berto, Birkin ou Balibar), l'intransigeant Rivette, à la fois marginal et influent, alterne ensuite légèreté (Haut bas fragile) et gravité (Histoire de Marie et Julien, 2003). Amoureux de la littérature du XIXe (on lui doit une variation autour des Hauts de Hurlevent), il réalise en 2007 Ne touchez pas la hache, adaptation fidèle de La Duchesse de Langeais. Parallèlement à la sortie de ce film, le Centre Pompidou programme une intégrale Rivette.
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