Cadreur et monteur vidéo de 1975 à 1985, Philippe Harel, né le 22 décembre 1956, s'oriente par la suite vers la télévision, pour laquelle il réalise des reportages d'actualités. Piqué de mise en scène, il s'attelle en parallèle à la réalisation de plusieurs courts métrages, parmi lesquels Fin de série (1985) et Deux pièces cuisine (1989), couverts de prix dans les festivals du monde entier. De sa rencontre avec Dodine Herry, écrivain et scénariste, naîtra son premier “long” métrage (1 h 06), Un été sans histoire (1991), où tous deux tiennent les rôles principaux de ce road-movie statique situé dans un camping de la Creuse. Le personnage que Philippe Harel incarne dans ce film est sensiblement le même que celui qu'il incarnera cinq plus tard dans Les randonneurs : râleur, maniaco-dépressif et sexuellement frustré. Un été sans histoire remporte un franc succès dans le circuit dit des “indépendants”, et sera suivi par L'histoire du garçon qui voulait qu'on l'embrasse (1993), dans lequel le réalisateur explore une veine autobiographique pour restituer quelques-uns de ses “douloureux” souvenirs d'adolescence, notamment ses inavouables galères avec les filles. Toujours sur un mode de douce ironie, d'humour pince-sans-rire, le film, tourné sans vedettes, passe un peu inaperçu. Harel réalise par la suite un des courts métrages du film Vacances en famille (1995), intitulé Une visite, dans laquelle s'illustrait Karin Viard aux prises avec des parents un peu envahissants. Une Karin Viard qu'il retrouve pour Les randonneurs, son premier grand succès populaire, qui s'attache aux basques d'une bande de touristes égarés sur le GR20, magnifique chemin de grande randonnée qui sillonne la Corse. Si le portrait de groupe sur les aléas de la vie en communauté forcée est très caustique, la tendresse avec laquelle Philippe Harel croque ses protagonistes fait mouche, et le film, porté par le bagoût de Benoît Poelvoorde dans le rôle du guide, est un succès. D'où la surprise que sera, un an plus tard, La femme défendue, un film tourné entièrement en caméra subjective racontant en voix off les amours d'une jeune femme (jouée par Isabelle Carré, à l'image à chaque plan) et du narrateur. Présenté à Cannes en sélection officielle, le film remporte un simple succès d'estime, dû au caractère expérimental de sa mise en scène. Après l'intermède documentariste Journal intime des affaires en cours, co-réalisé par Denis Robert d'après son ouvrage sur les magouilles financières liées au monde politique, Philippe Harel trouve en "Extension du domaine de la lutte", le roman culte de Michel Houellebecq, l'équivalent littéraire de son humour à froid souvent tenté par le cynisme. Il le porte à l'écran en endossant le rôle du narrateur névrosé, en vadrouille avec un confrère informaticien (joué par José Garcia dans un parfait contre-emploi) sur les routes de Vendée. Après deux ans d'écriture, Harel, en homme d'amitié et de fidélité, retrouve d'une part Benoît Poelvoorde, d'autre part José Garcia pour Le vélo de Ghislain Lambert, épopée cycliste sur les routes de France et de Belgique au début des années 70. Il plonge ensuite dans les affres de l'exercice de style en s'attelant au film noir, trouvant en Mathilde Seigner, l'héroïne flic qu'il lui fallait pour résoudre la bien étrange énigme de Tristan, où un tueur en série pousse ses victimes au suicide en les charmant jusqu'à les faire succomber d'amour et de désespoir. Mais Philippe Harel, comme il a été précédemment fait allusion, est aussi comédien à ses heures. Généralement des petits rôles, et souvent dans ses propres films, mais aussi dans les films des autres, à commencer par son ami Pierre Salvadori, qui lui propose notamment un rôle de voisin dans Les apprentis. Son personnage de Parisien qui débarque en Provence dans Bienvenue au gîte est sans conteste son premier grand rôle hors de son propre cinéma. Le début, à l’instar de Mathieu Kassovitz, d’une seconde carrière pour ce réalisateur au visage très “droopyesque” ?
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